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Interview avec France Clidat

Paris, le 27 février 2010

L’internet a beau être impersonnel, il ne pourra jamais remplacer un contact avec une « vraie » personne, mais parfois, il facilite beaucoup les choses. Grâce à l’internet, j’ai pu visiter le site web de France Clidat, grande lisztienne, qui s’est fait une réputation pour avoir enrégistré l’ensemble des oeuvres pour piano de Liszt. Je l’avais déja cotoyée une fois à Utrecht, en 1989, quand elle a fait partie du jury du Concours Liszt. Dans le temps, je ne faisais pas encore d’interviews (Et c’est bien dommage, car à que d’autres grands pianistes j’aurais pu parler si j’avais commencé avant 2002 !) , mais je me souviens de l’avoir abordée pour demander sa signature. Je me rappelle également sa réponse à l’unique question que j’ai osée lui poser, si un pianiste qui avait tout Liszt dans les doigts pouvait tout jouer techniquement (« C’est une bonne école ! »).

C’est donc grâce à l’internet et au site ci-dessus mentionné que j’ai pu envoyer un simple courriel à France Clidat pour lui demander un entretien. Grande a été ma surprise et surtout ma joie quand j’ai reçu une réponse pas très longtemps après, dans laquelle elle m’a écrit qu’elle voulait bien m’accorder l’interview. C’était même possible de le faire pendant le weekend que j’étais à Paris, entre autres pour un concert de la Philharmonie de Berlin et pour revoir mon ami Stany Kol, qui m’a accompagné chez France Clidat. La pianiste nous a invités dans son appartement parisien, monumental et impressionnant.

Willem Boone (WB) : Est-ce que vous vous considérez un produit de l’école française ?


France Clidat (FC) : Oui, à 100 % et encore plus maintenant ! Je me souviens de ce qu’a dit Debussy : « Il faut oublier que le piano a des marteaux ». Il y a deux grandes écoles, celle de Chopin et celle de Liszt. Ils étaient les deux rois et nous sommes tous forcément leurs disciples. L’école française descend de celle de Chopin. Lazare-Lévy,mon maître, était élève de Louis Diemer, lui même élève d’un des derniers élèves de Chopin. Il servait de  mentor à Emil Guilels qui lui écrivait : « Cher maître, voici le matin que je viens de me réveiller et je me demande si Lazare-Lévy me conseillerait des tierces ou des sixtes en ce début de journée ». J’ai gardé de mon maître certaines « leçons » : le jeu perlé n’est pas un jeu frappé, puis la recherche de la couleur. Il y a aussi le besoin de montrer, d’évoquer plutôt que de jouer très vite. C’est Liszt qui a dit que la virtuosité n’est pas une esclave passive. Je suis parfois stupéfaite par la non-recherche de la sonorité ou de la beauté du son chez les jeunes pianistes. En général, je constate une sécheresse telles des gymnastes de clavier et un besoin d’aller plus vite que celui d’à côté. C’est Marguerite Long qui a dit qu’il y aura toujours quelqu’un qui jouera plus vite et plus fort que vous !

WB : Quand avez-vous donné votre premier concert ?


FC : C’est au conservatoire de Genève devant Marie Panthès, qui était l’un des maîtres de l’époque. C’était un récital très « facile » avec une sonate de Mozart, le Carnaval de Schumann et Gaspard de la Nuit de Ravel. J’avais 17 ans..


WB : Saviez-vous que ce répertoire était difficile ?


FC : C’était normal à l’époque.. mais je n’ai jamais ignoré la difficulté !  J’aimais la musique et ça faisait partie de mes humanités.


WB : Mais comment êtes-vous devenue pianiste ?


FC : Ma famille est d’origine italienne, on aime le bel canto.

WB : Je voudrais évidemment vous interroger sur le compositeur que vous avez probablement le plus fidèlement servi, Franz Liszt. Vous avez été surnommée « Madame Liszt ». Que pensez-vous d’un tel surnom ?


FC : C’est Bernard Gavoty qui a écrit cela dans Le Figaro en titre d’une critique de mes récitals. Cela m’amuse beaucoup, mais c’est lourd à porter !


WB : Auriez-vous voulu être Madame Liszt ?


FC :  D’ailleurs il ne s’est jamais marié, mais j’aurais voulu le connaître bien sûr, car il a été un être tout à fait fantastique..


WB : D’où vous est venu l’idée de jouer tout Liszt ?


FC : Je suis entrée dans cet appartement (là où elle habite toujours, WB) à l’âge de 8 ans et au quatrième étage habitait une pianiste qui avait travaillé avec l’un des derniers élèves de Liszt, Emil Sauer. J’entendais donc du Liszt tout le temps. C’était une belle pianiste brillante qui jouait en plus des oeuvres que les autres ne jouaient pas. Après le Concours Liszt à Budapest en 1956, j’avais enrégistré 2 récitals Liszt pour Decca. En 1968, ils m’ont demandé si cela me intéressait de jouer tout Liszt, c’est à dire l’original « dernière mouture », soit 186 oeuvres. Cela comprenait les oeuvres originales sans les transcriptions ni oeuvres avec orchestre. C’était un énorme travail qui m’a occupée pendant six ans. Tout cela va par ailleurs sortir en  quinze CD pour le bicentenaire de Liszt en 2011 !


WB : Cela doit vous faire plaisir !


FC : C’est merveilleux pour moi, cela concrétise une vie.


WB : Pourquoi n’avez-vous pas enrégistré les transcriptions ou les Concertos ?


FC : Si, j’ai enrégistré quelques transcriptions et les Concertos chez Forlane !


Stany Kol (SK) : Qui d’autre que vous a joué tout Liszt ?


FC : Il n’y a que Leslie Howard.

WB : Est-ce que vous pourriez définir le style de Liszt vis-à-vis de celui de Chopin ou de Beethoven ? Y a-t-il des traits caractéristiques ?


FC :  Tout en étant un style tout-à-fait unique, Liszt a reçu l’influence de Beethoven et admirait le style de Chopin (voir le livre qu’il lui a consacré). Il porte en lui tellement d’ecrivains et de poètes ! Il y une telle différence entre par exemple le Lac de Wallenstadt et les Lugubres gondoles.. Dans ces dernières oeuvres, le style est devenu visionnaire tout en se référant à certaines exactitudes rythmiques, comme dans les deux Lugubres Gondoles où on entend l’avancée de la gondole... Ce qui est étonnant dans sa musique, c’est une sonorité pleine extraordinaire, il n’y a jamais de petits sons, mais la domination d’une technique affolante. Il organise sa musiqe. Je dis souvent à mes élèves : « Méfiez-vous, tout est très clair, tout est écrit, il sait ce qu’il veut ! ». Si vous prenez par exemple le manuscrit de la Sonate en si mineur, c’est très pensé, mais cela n’empêche pas une inspiration folle. C’est quelqu’un qui a beaucoup corrigé et qui est souvent revenu sur ses partitions. C’était un être qui doutait malgré sa prestance et ses réussites.


WB : Qu’est-ce que vous aimez le plus chez Liszt ?


FC : Tout ! (rires). J’aime autant les Rhapsodies Hongroises, où il met à plat l’âme tzigane que les oeuvres tardives !


WB : Pourtant on entend souvent dire que sa musique est « pompier » ou « vide de sens ». Evidemment, vous ne serez pas d’accord, que diriez-vous si vous deviez le défendre contre ses détracteurs ?


FC : Qu’ils ont tort et que c’est dommage pour eux mais peut être l’avaient-ils entendu par un mauvais interprète ! On dit souvent que la musique de Chopin est « abordable par tous » et que celle de Liszt est « trop difficile ». alors que certaines pages de Liszt sont plus faciles que celles de Chopin. Pourtant, je ne peux pas nier qu’il y ait un côté « fracasseur d’ivoire » chez le jeune Liszt. Il a de l’étiquette. Certaines oeuvres comme le Second Concerto, la Sonate ou la Bagatelle sans tonalité ont surpris, car elles représentaient la recherche d’un piano moderne qui venait de naître et un nouveau style. Cette recherche d’autres choses, tournée vers la composition était inattendue et a certainement dérangé ses admirateurs.


WB : Ne voyez-vous pas de faiblesses dans une oeuvre tellement gigantesque ?


FC : Pourquoi pas, mais ce n’est pas à l’interprète d’en faire la remarque !


WB : Mais dans cette entreprise énorme que représente l’enrégistrement des oeuvres pour piano de Liszt, n’y a-t-il pas d’oeuvres où le jeu n’en vaut pas la chandelle selon vous ?


FC : On pourrait dire la même chose pour les écrivains ou les poètes ! Parmi les tragédies de Racine ou de Corneille, il y a des pièces moins réussies que d’autres. Je ne suis pas assez savante pour m’autoriser un jugement. Liszt était un monstre de production, parmi tant de chefs d’oeuvre, on peut se permettre des faiblesses !


WB : Avez-vous eu des découvertes intéressantes ou insoupçonnées ?


FC : Il Contrabandista entre autres, une oeuvre brillante, dont le thème a été composé par Manuel Garcia, le père de Maria Malibran. Ce n’est plus une oeuvre pour piano, mais une fresque.


WB : Que considérez vous le chef d’oeuvre absolu de Liszt ?


FC : La Sonate, Bernard Gavéty l’a appelée « La reine des sonates », en fait, il y a une grandeur qui vient peu à peu. Cela reste une oeuvre corrigée et pensée. Cortot a rapproché la Sonate à l’histoire de Faust et de Marguérite, mais je ne vois pas cela, car Liszt a bien intitulé l’oeuvre « Sonate », sinon il aurait écrit un autre titre !


WB : Existe-t-il des références pour vous ?


FC : Il y a une sonorité orchestrale, une espèce de grandeur avec des passages excessivement précis puis une liberté d’écriture.


WB : Non, je veux dire des références en ce qui concerne l’interprétation lisztienne ?


FC : Horowitz, chez lui, il y a une folie très dirigée. C’est un piano sanguin, rond, plein. Il y a dans la sonate trois séries d’octaves qui ne doivent pas sonner de la même manière. Chez Horowitz, on entend bien un développement intellectuel.


WB : Parlez-vous là du Horowitz de 1931 ? Son interprétation de la Sonate de 1977 me semble moins réussie...


FC : Effectivement, c’est son disque de 1931 que j’aime.


WB : Un autre grand Lisztien, Jorge Bolet, a dit qu’un aspect sous-estimé voire négligé de la musique de Liszt est la poésie, qui est très présente. Etes-vous d’accord ?


FC:  Tout à fait. Bolet est un grand interprètre justement pour cela... sa culture.


WB : Un autre grand interprète de Liszt, Alfred Brendel, a dit que la musique de liszt réflète de façon fatale le caractère de l’ interprète, plus que de n’importe quelle autre musique, qu’en pensez-vous ?


FC : Brendel m’a beaucoup servie, il a été le seul avant moi à avoir enrégistré les oeuvres tardives. En 1965/66, on ne possédait pas d’enrégistrement des oeuvres dernière manière, c’est bien grâce à lui que j’ai pu les entendre. C’est un pianiste magnifique qui a jalonné la musique...

SK : Que pensez-vous de Cziffra ?


FC : Je l’ai bien connu. Cétait un piano coloré et plein et il avait bien entendu une technique dont on n’a plus besoin de parler ! C’était une technique pour le piano, virtuose et sanguin. Je l’ai connu lors de mon concours Liszt. Il ne serait pas venu à Paris s’il n’y avait pas eu la révolution de 1956. Maintenant, il y a trop de pianistes qui jouent bien, mais est-ce qu’il y a l’équivalent d’une star ? Je ne pense pas qu’il y ait maintenant quelqu’un comme Brendel, Bolet, Horowitz ou Kempff. Argerich joue toujours.  Pareil pour les chefs, autrefois tout le monde connaissait Karajan ou Solti. Aujourd’hui, il y a beaucoup, beaucoup de chefs, mais on ne connaît plus leurs noms.


SK : Comment l’expliquez-vous ?


FC : Je n’explique pas, je subis. Nous vivons un siècle d’intellectuels et de politiciens. On n’a plus de politiciens qui s’intéressent à la musique. Je donnais des concerts pour les jeunes à mes débuts et c’était important, car c’était le public de demain. Ils apprenaient à aimer et à applaudir. On est devenu très gourmand. A l’époque romantique, on jouait des concertos à deux pianos s’il n’y avait pas d’orchestre. Si on n’a pas d’orchestre maintenant, on ne le fait pas. On est en train de tout perdre. J’ai connu les derniers salons musicaux de Paris, où j’ai connu Henri Sauguet, dont j’ai crée le concerto. Maintenant, il n’existe plus de salons. Il y a aussi des magasins comme les Studio Hamm dans la Rue de Rennes ou le magasin Hanlet Steinway près de la Salle Pleyel qui n’existent plus..

WB : Si je peux encore revenir sur ma dernière question, sur ce qu’a dit Alfred Brendel sur le caractère de l’interprète qui joue Liszt, êtes-vous de son avis ?


FC : Je ne vois pas bien ce que Brendel a voulu dire par là, mais je crois en effet qu’il faut être lisztomaniaque pour le jouer. Quand je ne l’ai pas joué pendant un certain temps, il faut que je rejoue sa musique pour retrouver mes forces.


WB : Que pensez-vous de votre collègue Leslie Howard qui a enrégistré l’intégrale Liszt ?


FC : Je l’admire beaucoup, c’est une somme et son oeuvre discographique est « documentaire ». Pour ma part, j’ai pris la dernière version révisee par Liszt. C’est un processus précis dans sa vie, il a beaucoup remis sur le métier.


WB : Si on a tout Liszt dans les doigts, peut-on tout jouer sur le plan technique ?


FC : Tout m’effraye ! Montaigne a dit « Le doute est un mol oreiller pour une tête bien faite ». On n’est jamais sûr de rien, l’être humain n’est pas infaillible, vous tentez de vous « monter » sur les épaules !


WB : Quels compositeurs ont le mieux élaboré le style de Liszt ?


FC : Ravel et Bartok. La Bagatelle sans tonalité est déjà du Bartok. Les quinze dernières années, Liszt a décidé de changer de vision sonore, qui est devenue abstraite en quelque sorte. Il a enlevé le superflu et il est devenu très mystique et sa démesure devient intense. C’est presque une recherche picturale chez les kubistes. L’avenir est difficile à faire sans une parfaite connaissance du passé...


WB : Parmi les compositeurs contemporains, en y a-t-il qui se sont basé sur Liszt ?


FC : Non, dès qu’on est néo, c’est ennuyeux !


WB : Et Ligeti ?


FC : Oui, ses Etudes sont magnifiques, plutôt intérieures qu’extérieures, c’est une recherche de la sonorité. J’aime beaucoup Ligeti et aussi Takemitsu, dont les recherches sonores sont très jolies. Le son ne doit jamais être quelque chose de froid et de sec. La note pour la note et rien autour, c’est très triste !


WB : Auriez-vous aimé jouer devant Liszt ?


FC : Je serais morte de peur, mais au fond, je ne sais pas.... C’était quelqu’un de tellement généreux !


WB : Quelle est l’oeuvre la plus difficile de Liszt ?


FC : Cela dépend du moment. La Sonate reste un monument, mais en fin de compte tout est difficile. La Lecture du Dante est physiquement difficile, mais Liszt permet toujours aux pianistes de reprendre leur souffle. Avec Chopin, c’est différent. S’il écrit des passages difficiles, ils durent longtemps ! Pour revenir à votre question, tout chez Liszt est difficile, même une Valse Oubliée... Plus on va en âge, plus on trouve les pièces complexes tout en recherchant la simplicité...

WB : Vous avez fait partie du jury du concours Liszt, quelle est l’importance de ce concours dans le monde musical?


FC : Il est très important ! La première édition était admirablement lancée, c’était fantastique. La deuxième avait un peu moins de panache, mais c’était quand même un beau concours. Il y a eu un Italien qui a fait une belle carrière depuis 1989, Enrico Pace.


WB : Pourtant, j’ai l’impression qu’il ne peut prétendre à la même renommée internationale que les concours Chopin, Tschaikofsky, Reine Elisabeth, Van Cliburn, celui de Leeds....


FC : Je suis de votre avis.


WB : A quoi ça tient ?


FC : Il y a quand même plus de gens qui jouent Chopin que Liszt, c’est un peu spécial. C’est difficile de faire ce qu’il faut pour que vous soyez catapulté !


WB : Est-ce vrai qu’il faut avoir établi son nom avant 30 ans et qu’il est autrement trop tard pour faire carrière ?


FC : Tout a tant changé, c’est difficile de trouver une réponse précise. Autrefois, j’avais un contrat d’exclusivité chez Decca, maintenant cela n’existe plus. Il y a trop de pianistes et je dis cela sans amertume. Pareil pour les violonistes ou les chefs, alors que le monde musical se restreint. Que faire ?

WB : Est-ce qu’avec vous il n’y a pas le danger d’avoir une étiquette collée au front « Spécialiste de Liszt » ? Désirez-vous être spécialiste en quoi que ce soit ?


FC : Spécialiste de Liszt, prenons cela comme une référence!


WB : Est-ce que cela ne vous vexe pas ?


FC : Pourquoi être vexée ? C’est plutôt un hommage !


WB : Vous avez sans doute abordé beaucoup d’autres choses, qu’est-ce qui sont les choses qu’on connaît le moins de vous ?


FC : Ce n’est pas à moi de le dire, mais j’ai fait l’intégrale Satie, plus tard que Ciccolini. C’est aux antipodes de Liszt !

WB : Comment travaillez-vous ?


FC : Quand j’étais jeune, je faisais beaucoup d’exercices. L’importance du doigté est grande dans la mémorisation, ensuite celle du légato, il faut faire chanter un piano. Heifetz et Callas sont mes modèles. Nous pianistes, on est assis devant un instrument qui n’est pas nous, alors qu’eux avaient leur instrument contre le menton. Un pianiste est toujours devant un meuble.


SK : Jouez-vous toujours sur des Steinway ?


FC : J’ai tout fait : des Yamaha, Bösendorfer, Fazioli, Steinway, quelquefois au choix, quelquefois en fonction de ce qu’il y avait dans la salle.


WB : Que conseillez-vous à un pianiste amateur comme moi qui désire améliorer sa technique ?


FC : Qu’est-ce que vous faites ?


WB : J’ai fait du Hanon, mais après quelques minutes, je décroche !


FC : IL y a quelque chose de bien plus joli que Hanon, ce sont les albums de Moskovski, Per Aspera. C’est très joli ! Il y en a un qui est uniquement pour la main gauche.


FC : Sinon, que jouez-vous ?


WB : Principalement du Scarlatti.


FC : Il existe beaucoup de différences entre la musique romantique et classique. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, l’interprète est beaucoup plus libre avec la musique classique !


WB : Aimez-vous travailler le piano ?


FC : Il vaut mieux ! Monter sur scène, c’est toujours une aventure terrible. Vous êtes sur un bateau en pleine mer, vous êtes malade comme un chien et pourtant vous voulez revenir ! Il y a toujours la remise en question de soi, la perfection s’éloigne au fur et à mesure, c’est sans fin..


WB : Est-ce vrai ce que Rubinstein a dit « Si je n’ai pas travaillé pendant trois jours le public l’entend » ?


FC : Je ne sais pas, cela dépend des individus. Je ne pense d’ailleurs pas que cela soit arrivé à Rubinstein !


WB : Quels collègues enviez-vous ?


FC : Je ne me suis jamais posé la question.  Rubinstein a dit qu’il n’allait pas souvent au concert d’autres pianistes, car « quand c’est bon, cela m’énerve et quand c’est mauvais, cela m’énerve aussi ! ». 

WB : Que signifie la musique pour vous ?


FC :  Tout, c’est ma vie ! Je jouerai du piano tant que Dieu me permettra de jouer. C’est Paganini qui a dit que « La scène n’est ni une école ni un hôpital ! ». Il y a un grand, Richter, que je prends comme exemple. Bien sûr, il était véritablement un pianiste d’estrade avec une folle technique et une sonorité merveilleuse, c’était un bel ours russe ! Un jour, il a voulu jouer des sonates de Haydn. Trop âgé, il a décidé de les interpréter partition sur scène ! Quel artiste, quelle leçon ! Tant que la vie vous est accordée, que vous pouvez encore « donner » des choses, c’est dommage de ne pas le faire !

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